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le mystérieux monsieur de l’aigle

L’Aire est une sorte de palais enchanté, je crois, ajouta-t-il en souriant.

Tous trois causèrent, pendant un quart d’heure à peu près, puis Claude proposa :

— Maintenant, si vous voulez me suivre, je vais vous conduire à la bibliothèque ; c’est dans cette pièce que je reçois toujours mes meilleurs amis.

Ils se dirigèrent vers la gauche du corridor, et Claude ayant ouvert des portes vitrées, ils pénétrèrent dans la bibliothèque.

— Oh ! s’écria Magdalena. Tous ces livres !

— Vous aimez les livres, la lecture, Théo ?

— Certes, M. de L’Aigle ! Lorsque je vois une grande quantité de livres je voudrais les avoir tous lus… ou bien pouvoir les lire tous !

— J’ai vu la bibliothèque publique de la ville de Québec, fit Zenon ; la vôtre est plus considérable, n’est-ce pas, M. de L’Aigle ?

— Je le crois… non, j’en suis sûr, répondit Claude en souriant.

La bibliothèque était une pièce ronde (le premier plancher de d’une des tours de L’Aire). Les pans étaient couverts de livres. Des compartiments vitrés, allant d’un plancher à l’autre, préservaient de la poussière des milliers de volumes, que Magdalena dévorait des yeux, car elle aimait passionnément la lecture.

— Sans doute, ce sont tous des ouvrages très sérieux ? demanda-t-elle, en désignant les livres. Des traités scientifiques et choses de ce genre ?

— Mais, non, Théo ! Voyez-vous tout ce pan, entre cette fenêtre et la porte ? Il contient des romans sensationnels, des récits de voyages et d’aventures, et le reste. Et, tenez ! Ici, il y a des traités de botanique, des albums, illustrés en couleurs, de toutes les fleurs de l’univers. Je suis certain que cela vous intéresserait, mon petit ami, et inutile de vous le dire, ces traités, ces albums sont à votre disposition entière.

— Merci, fit la jeune fille. Ah ! ajouta-t-elle, vous ne devez jamais vous ennuyer ; cette splendide bibliothèque…

— Et les serres…

— Oh ! oui, les serres…

— Nous ferons une visite aux serres, après le diner, n’est-ce pas, Théo ?

— Combien j’ai hâte !

— Vous n’avez pas peur des serres… de l’Aigle, mon petit ami ? demanda Claude en riant.

— Non, je n’en ai pas peur ; les serres fleuries et parfumées ne m’effraient aucunement, répondit Magdalena, riant, elle aussi.

Eusèbe venait d’entrer dans la bibliothèque. Il déposa un plateau sur le coin d’une table, puis il sortit. Claude servit du café à ses visiteurs et il leur offrit des gâteaux.

En buvant l’excellent café, dans des tasses en porcelaine fine, Magdalena pensa, tout à coup, aux tasses épaisses de La Hutte, et elle se demanda comment elle avait pu se décider à offrir du café dans ces tasses à M. de l’Aigle. Le breuvage était certainement plus délectable dans des tasses en porcelaine. Et les cuillères, et le sucrier, et la cafetière en argent ! Elle remarqua, en passant, que le couvert du sucrier et celui de la cafetière étaient surmontés d’un petit aigle, aux ailes largement tendues. Quel luxe dans cette demeure, et qu’il devait être fortuné M. de l’Aigle pour…

— Certainement, disait Claude, à ce moment, je vais vous faire conduire à vos chambres respectives, vous et Théo, M. Lassève, puisque vous le désirez. Mais, encore une fois, rien ne presse.

— Je disais à M. de L’Aigle, Théo, fit Zenon, que nous aimerions à changer d’habits, toi et moi. Nous sommes partis dans nos habits de tous les jours, étant si pressés et…

— Oui, c’est vrai, répondit Magdalena. Claude ayant sonné, Rosine entra dans la bibliothèque.

— Conduisez M. Lassève et M. Théo à leurs chambres respectives, Rosine, dit-il. Je resterai ici, reprit-il, en s’adressant à Zenon ; si vous aimez venir me rejoindre, tout à l’heure, vous serez le bienvenu. Dans tous les cas, nous dinons à six heures et demie ; la première cloche sonnera à six heures juste, et la deuxième à six heures et quart.

— Je viendrai vous rejoindre ici dans moins de dix minutes, quant à moi, M. de L’Aigle, fit Zenon.

— Moi aussi… peut-être, ajouta Magdalena, en souriant. Mais, je ne promets rien, car je suis un peu fatiguée ; j’aimerai à me reposer, jusqu’à l’heure du diner, sans doute. Au revoir, M. de L’Aigle !

— Au revoir, Théo, mon petit ami !

C’était encore une merveille que la chambre à coucher qui avait été réservée à Magdalena. Grande, richement meublée, éclairée de trois grandes fenêtres. À droite, était une sorte d’alcôve que fermaient des portières en peluche rouge. Vis-à-vis la porte d’entrée, c’était un mur plein ; la jeune fille devina que ce mur c’était le Roc du Nouveau Testament et cela ne manqua pas de l’impressionner un peu. Près de ce mur était le lit, une luxueuse affaire, toute de dentelles, de broderies et de satin rouge. En face du lit était un foyer, dans lequel brûlait un feu clair ; devant ce foyer, un canapé large et confortable, semblait inviter au repos. Notre héroïne entrevit des articles de toilette en argent, dispersés un peu partout, et sur lesquels se jouaient, en ce moment, les rayons de la lampe, que Rosine venait de déposer sur une petite table, à la tête du lit. Restée seule, Magdalena se dirigea vers l’alcôve, à sa droite. C’était un grand alcôve ; bien des gens s’en seraient contentés pour une chambre à coucher. Là, elle vit des cuvettes en argent, des pots à l’eau de diverses grandeurs et formes, en argent aussi, des serviettes en toile, des savons parfumés. Deux grandes armoires, à même le mur, devaient servir de garde-robe.

S’étant lavé le visage et les mains dans l’eau parfumée contenue dans un des pots en argent, la jeune fille vint s’installer sur le canapé, près du foyer, et bientôt, elle dormait profondément.

C’est la première cloche annonçant le diner qui l’éveilla ; mais comme il n’était que six heures, elle préféra faire la paresse encore durant un quart d’heure. Lorsque la cloche sonna pour la deuxième fois, elle sortit de sa