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le mystérieux monsieur de l’aigle

— Si je le crois ? j’en suis fermement convaincu, Séverin, répondit gravement Magdalena.

Le lendemain après-midi, les Lassève retournèrent chez eux.

— Merci, mes bons amis ! Merci d’être venus s’écria Séverin, au moment où Zenon et sa fille adoptive se préparaient à partir.

— Venez nous voir quand vous le pourrez, Séverin, et venez souvent. Vous êtes, vous le savez, toujours le très bienvenu, et il vaut mieux, pour vous ne pas rester seul ici.

— J’irai, oui, bien sûr, j’irai… peut-être avant la fin de la semaine, promit-il.

En arrivant à La Hutte, Magdalena aperçut, au loin, quelqu’un assis sur un rocher et qui paraissait les attendre. C’était un homme de haute stature, habillé de gris… M. de L’Aigle ? … Elle le crut, tout d’abord ; mais Zenon l’eut vite détrompée.

— Tiens ! Vois donc, Théo, fit-il. Ce monsieur… Je l’ai vu déjà, à l’hôtel du Portage… Il a nom M. Mance, je crois. Il n’est pas seul non plus, continua Zenon ; deux dames l’accompagnent… Sans doute, ils ont affaire à nous. Que peuvent-ils bien nous vouloir ?

— Nous le saurons bientôt, car ils s’en viennent par ici, répondit Magdalena.

En effet, M. Mance et les dames qui l’accompagnaient se dirigeaient vers La Hutte.

— Et j’ai cru, pour un instant, que cet homme était M. de L’Aigle ! se disait tristement la jeune fille. Pourquoi l’ai-je cru, et pourquoi viendrait-il nous rendre visite ? Il nous a secourus, alors que nous étions perdus dans la brume ; mais cela ne veut pas dire qu’il se souvient même de nous !

Elle soupira profondément, puis deux larmes brûlantes et amères coulèrent sur ses joues.

Pauvre Magdalena !

III

COMMÉRAGES

— Bonjour, M. Lassève ! Bonjour, Théo ! dit M. Mance, lorsqu’il fut arrivé auprès de nos amis.

— Bonjour, Monsieur ! répondit Zenon, tandis que, dans ses yeux on eut pu lire un grand point d’interrogation. Que voulaient ces gens ?

Mme Mance, ma femme ; Mlle Hélène Guérin, ma nièce, reprit M. Mance, présentant ainsi les deux dames qui l’accompagnaient.

— Nous sommes venus ici vous présenter une requête, M. Lassève, fit Mme Mance, en souriant… ou plutôt, c’est à votre neveu que nous avons véritablement affaire.

— Qu’est-ce donc ? demanda Magdalena.

— Voici : vous le savez, sans doute, l’hôtel du Portage va fermer ses portes dans quelques jours, car lundi, nous retournons tous dans nos villes respectives ; la saison des villégiatures est finie, hélas !

— Oui, je sais, répondit Zenon. L’été, c’est si court !

— Eh ! bien, ce soir, nous avons un bal, à l’hôtel, un grand bal, continua Mme Mance ; des gens viendront jusque de la Rivière-du-Loup pour y assister.

— Oui ? interrogea poliment Zenon, que le bal projeté n’intéressait guère.

— Ce sera quelque chose de chic, d’extra-chic, M. Lassève ! fit Hélène Guérin. Jamais il n’y aura eu rien d’approchant, au Portage.

— Je n’en doute pas, répondit Zenon, qui avait peine à dissimuler complètement l’ennui qu’il ressentait ; que pouvait bien leur faire, à Magdalena et à lui, ce bal ?

— Et le bal sera suivi d’un réveillon à tout casser ! ajouta M. Mance.

— La requête que nous voulons faire, c’est celle-ci, dit Hélène ; que Théo vienne jouer du piano, ce soir, pour nous faire danser. Ne refusez pas, M. Lassève, je vous prie !

— Ce n’est pas à moi de refuser ou d’accepter, Mademoiselle Guérin, répondit Zenon ; c’est à Théo de décider la chose.

— Ne refusez pas, Théo ! fit Mme Mance. Nous ne demandons pas vos services gratuitement, croyez-le ; vous serez grassement payé, je vous l’assure !

— Pour moi… pour mon oncle non plus, ce n’est pas une question d’argent répondit Magdalena, et j’accepte votre offre avec plaisir… du moment que mon oncle m’accompagnera au Portage.

— Eh ! bien, M. Lassève, qu’en dites-vous ?

— Si Théo est résolu d’accepter, je ne le laisserai certainement pas partir seul, dit Zenon. C’est entendu alors, nous irons.

— Hourah ! s’exclama M. Mance.

— Vous apporterez votre mandoline, n’est-ce pas, Théo ? demanda Hélène ?

— Certainement, si vous le désirez.

— Que diriez-vous de l’idée de partir immédiatement ? demanda Mme Mance. Notre chaloupe est amarrée ici, tout près, et notre voiture nous attend au village de Saint-André.

— Ah ! Pourquoi partir si tôt ? s’écria Hélène Guérin. C’est si beau ici, si pittoresque, si sauvage, si…

— Vous ne partirez pas sans prendre une tasse de café, je l’espère, dit Magdalena. Ce sera prêt dans quelques instants.

— Et ça ne sera pas de refus, mon garçon, répondit M. Mance.

— C’est bien gentil à vous d’y avoir pensé, Théo ! s’écria Mme Mance.

— Oui, bien sûr ! amplifia Hélène.

— Tiens ! Un yacht ! fit alors Mme Mance.

— Mais, oui ! Un yacht ! Un yacht qui ressemble à celui de M. de L’Aigle… de loin, du moins, fit Hélène.

Magdalena, qui se disposait à se rendre à la maison, préparer le café, s’arrêta et jeta un regard sur le fleuve. Oui, L’Aiglon venait de sortir de sa petite baie et il se dirigeait vers le Portage, ou vers la Rivière-du-Loup.

— Que ferait, dans ces environs, le yacht de M. de L’Aigle, je te le demande, Hélène ? dit Mme Mance.

— Je n’en sais rien, chère tante… D’ailleurs, je n’ai pas dit que ce yacht était L’Aiglon ; je trouve seulement qu’il lui ressemble…

— Tout comme un yacht ressemble à un autre yacht, hein, Hélène ? fit M. Mance. Quant à M. de L’Aigle…