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le mystérieux monsieur de l’aigle

— Nous sommes arrêtés à Lévis, dit-il, en retournant auprès de Magdalena.

— À Lévis ? Déjà !

— Oui, déjà. Et, Théo, si le train continue son chemin, nous devrions être à la Rivière du Loup vers les deux heures du matin.

Pourrait-on demander mieux ? En se guidant sur sa montre, Zenon calculerait facilement le temps, et au dernier arrêt que ferait le train, non loin de la Rivière du Loup, lui et Magdalena en descendraient, et ils ne risqueraient pas trop d’être vus.

En fin de compte, on ne fut que dix minutes à Lévis. Le train s’étant remis en marche, Zenon, les yeux sur le cadran de sa montre, comptait les heures.

Enfin, vers une heure et demie du matin, le train s’arrêta de nouveau ; on approchait de la Rivière du Loup.

Debout près de la porte du wagon, les bras chargés de leurs bagages et de Froufrou, nos amis attendirent leur chance. Soudain, Zenon se pencha et dit à sa compagne :

— Viens, Théo ! C’est le temps !

VI

AU PIED DU ROCHER MALIN

Le train s’était arrêté à rase campagne, et si ce n’eut été de l’obscurité qu’il faisait, ils n’auraient pu s’esquiver facilement.

Au moyen de son fidèle tourne-vis, Zenon Lassève ouvrit de nouveau la porte du wagon et observa les alentours.

— Je vais descendre du train le premier, dit-il à la jeune fille. Descends immédiatement après moi ; mais garde-toi bien de faire du bruit.

— Ne craignez rien, mon oncle.

Aussitôt dit, aussitôt fait ; Zenon sauta sur le sol, et aussitôt, Magdalena suivit son exemple.

— Heureusement, il fait bien noir, murmura Zenon, à l’oreille de son « neveu », car, il n’y a pas même un arbuste, sous lequel nous pourrions nous cacher.

— Là-bas… fit Magdalena, en désignant la droite. Ne dirait-on pas une forêt ?

Au loin, en effet, on distinguait, malgré l’obscurité, une masse confuse bornant l’horizon : des arbres, probablement.

— Je sais ce que c’est ! fit Zenon ; ce sont les Monts Notre-Dame. Mais nous en sommes loin. Pourtant, nous allons nous diriger par là. Viens, Théo, et marchons sans bruit.

Il y avait à peu près cinq minutes qu’ils marchaient, lorsqu’ils entendirent le bruit du train de marchandises, qui se remettait en mouvement. Ils respirèrent, soulagés.

Magdalena donna à Froufrou sa liberté, et il en profita aussitôt pour courir et aboyer joyeusement.

— Nous approchons des montagnes, mon oncle, fit soudain la jeune fille. Peut-être y trouverons-nous quelque grotte naturelle, dans laquelle nous pourrons passer la nuit.

— Je l’espère, répondit Zenon, car, j’ai vraiment sommeil. Et puis, la nuit porte conseil, comme tu sais, Théo ; lorsqu’il fera jour, nous ferons des projets définitifs d’avenir. Ah ! ajouta-t-il, voici les montagnes !

— Ciel. Qu’il fait noir ! s’écria Magdalena. Mais à peine se fut-elle exclamée, qu’elle aperçut la lueur d’une allumette et bientôt, Zenon Lassève eut allumé un des fanaux du wagon, qu’il s’était approprié.

— Oh ! Vous avez apporté l’un des fanaux ! s’écria la jeune fille. Quelle bonne idée vous avez eue là, mon oncle !

— Je me suis approprié ce fanal, sans scrupule aucun ; à sa place, vois-tu, j’ai laissé un billet de banque, qu’on ne manquera pas de trouver.

— Maintenant, cherchons une grotte ! J’espère qu’il y en a !

— En voici une, justement, fit Zenon. Il y en a même deux qui se touchent ; nous aurons, ainsi, chacun notre chambre à coucher, où nous ne manquerons pas de dormir comme des loirs…

— Tandis que Froufrou fera bonne garde, supplémenta Magdalena, en souriant. Bonne nuit, mon oncle Zenon !

— Bonne nuit, Théo, mon neveu !

Le soleil brillait, radieux, lorsqu’ils s’éveillèrent ; ce serait une journée idéale. Il soufflait une petite brise rafraîchissante, qui aiderait à supporter la chaleur.

Zenon eut vite fait un feu clair, sur lequel le bidon fut déposé ; une bonne tasse de thé les réconforterait bientôt, tous deux.

— Cet endroit est magnifique, n’est-ce pas ? demanda Magdalena, tout en déjeûnant. J’aimerais y passer au moins un jour ou deux.

— Ce serait agréable, je n’en doute pas, répondit Zenon ; mais, c’est tout à fait impossible. Nos provisions sont presqu’épuisées ; il nous faut les renouveler le plus tôt possible.

— Nous allons donc quitter cet endroit enchanté, aujourd’hui même ?

— Nous nous mettrons en route dans le courant de l’avant-midi, Théo. Il le faut, vois-tu !

— C’est bien. Je serai prêt… Mais, quelle route prendrons-nous ?

— Je connais peu cette partie du pays, je l’avoue… Seulement, je sais que nous nous dirigerons vers la Rivière du Loup, tout d’abord ; c’est là que nous renouvellerons nos provisions. De plus, je veux acheter deux bonnes couvertures de voyage ; une pour toi et une pour moi, car nous en avons bien besoin.

— En quittant la Rivière du Loup, où irons-nous ?

— En quittant la Rivière du Loup, nous tomberons presqu’immédiatement, je crois, dans le Old Mountain Road, qui nous conduira… Dieu sait où.

— Allons pour la Rivière du Loup d’abord, pour le Old Mountain Road ensuite ! s’écria Magdalena. Y trouverons-nous des habitants … sur le Old Mountain Road, je veux dire ?

— Oui… Du moins, je le crois… Des fermes isolées, probablement, où nous pourrons, si nous le désirons, passer quelques jours, à nous reposer ; où nous pourrons aussi prendre des renseignements sur la topographie de ce pays, ce qui nous sera très utile.

Vers les dix heures de l’avant-midi, nos