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Eh bien, reste avec moi, sois mon ami, mon frère,
Sois un rayon joyeux dans ma sombre misère !
Je pris le petit être, et, d’un souffle puissant
À mes poumons glacés rappelant tout mon sang,
J’échauffai le mourant sous ma débile haleine ;
Après beaucoup de soins délicats et de peine,
Il revint à la vie, et sa jeune chanson
D’un éphémère écho vint ravir ma prison.
Sa grâce, ses ébats légers, sa petitesse,
Tout enchantait mes yeux et chassait ma tristesse :
À tout heure il venait becqueter dans ma main
Ce qui pouvait rester de mon morceau de pain.
Une nuit, imprudent, je l’écrasai dans l’ombre !
Ce fût par un hasard inexplicable, sombre,
Et le matin on vit dans le fond du caveau
Un homme qui pleurait sur un petit oiseau.

Depuis ce jour, je suis resté morne, stupide,
Écrasé de silence, enveloppé de vide ;
J’étais comme cloué dans un cercueil. — Enfin
J’avais croisé mes bras et j’attendais la fin…
Cependant…
Ils me dirent un jour : Allez, vous êtes libre.
Libre ? à peine sorti, je vis sur mon chemin
Un squelette aux aguets qui me tendait la main…
J’ai fini — maintenant rapprochez-vous mon père,
Rapprochez-vous tous deux… voici l’instant austère
Où tous deux vous devez, grands et forts devant Dieu,
Prendre mon dernier souffle et mon dernier adieu…
Ma mère, calmez-vous… oh ! c’est un bien suprême
De s’endormir encore auprès de ceux qu’on aime !
courez-vous ?… restez… ne suis-je pas heureux
De m’en aller là-haut regretté par vous deux ?