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Il semblait accablé d’un fardeau de pensées.
Des soupirs s’échappaient de sa poitrine en feu ;
Un seul mot palpitait sur sa bouche : — mon Dieu !
Mais qui le torturait ainsi ? — Quoi ! sept années
N’avaient donc rassemblé que des feuilles fanées ?
N’avait-il rapporté des rivages lointains
Qu’une santé flétrie et des rêves éteints ?
Hélas ! ce bonheur vrai, de la plus pure essence,
Que l’on rêve toujours après la longue absence,
Qu’avec tant de sanglots vous avez attendu
Et qu’on retrouve enfin après l’avoir perdu,
Ces idoles du cœur si longtemps égarées
Et qui viennent à vous plus fraîchement parées…
Tous ces trésors sans prix, tous ces biens d’ici-bas,
Étaient-là devant lui comme s’ils n’étaient pas !…

Interrompant enfin cette attitude austère :
— Quel est ce mot étrange, un Silo ? dit la mère.

— Un Silo ?… soit, dit-il, je vous avouerai tout ;
Si le Ciel me permet d’arriver jusqu’au bout.
Car je sens mes poumons haleter, je m’épuise
À lutter contre un mal qui m’étreint et me brise ;
Helas ! vous saviez !… mon sang est appauvri
Au point qu’autour de moi flotte un voile assombri ;
De sourds bourdonnements résonnent sous ma tempe…
Mon front lourd est brûlant… c’est peut-être la lampe
Qui m’éblouit ainsi de ses jets lumineux…
Oh ! je ne vous vois plus… êtes vous là tous deux ?

Nous sommes là, Henri, répond la pauvre femme,
Nos cœurs sont près du tien. Courage ! ma chère âme,
Va nous t’accablerons de tendresse et de soin
Pèlerin désolé qui reviens de si loin !