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L’âpre vent de l’automne au dehors se plaignait
Et rendait plus joyeux le feu qui babillait.
Souvent, femme et mari se parlaient à voix basse :
La mère à tout instant marchait ; changeait de place,
Écoutait à la porte, et d’un œil inquiet
Regardait par la vitre où son front s’appuyait.
L’époux, dont un reflet de la lampe mobile
Dorait avec douceur le visage débile,
Distrait en apparence à tout ce tendre émoi
Méditait sur un livre — une bible, je croi.
Un grand chien se chauffant à la flamme vermeille,
Attentif, l’œil luisant, et relevant l’oreille,
Au moindre bruit dans l’air dressait son museau brun,
Comme s’il eût compris qu’on attendait quelqu’un.

Soudain un coup sonore a retenti — l’on frappe…
On écoute anxieux — Le chien s’élance et jappe.
Le vieillard veut parler et demeure sans voix,
Le livre qu’il lisait s’échappe de ses doigts.
La mère, qu’un instinct secret saisit et brise,
Veut faire quelques pas et puis retombe assise ;
De sa lèvre tremblante un cri sort comme un trait…
Et, pâle sur le seuil, un étranger paraît.


III


Il paraît triste — grave — Est-ce un spectre ? un fantôme ?
À bien l’examiner on doute s’il est homme.
Il paraît tout courbé sous un sac de soldat
Ainsi qu’un mendiant que la misère abat.
Les rides ont couvert le front, le coin des lèvres.
Hélas ! qu’on reconnaît de tourments et de fièvres
Dans le cercle livide et profond de ces yeux,
Dans cette maigre joue et sur ces blancs cheveux :