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Alors il fait, de la main droite, un grand geste désolé :

— Comment se désintéresser d’un pareil conflit ? Comment se désintéresser de cette guerre, de n’importe quelle guerre ? C’est un grand sujet d’affliction que ces batailles entre les hommes.

Je levai les yeux au-dessus de sa tête. En face de moi, derrière lui, je vis, piquée au mur par des épingles, une carte française de la Corée et de la Mandchourie.

Je dis :

— Mais cette guerre n’est pas seulement le conflit de deux peuples. Elle jette l’une contre l’autre deux races. Quelles conséquences, selon vous, de la victoire de l’une ou de l’autre ?

— Qu’importe ! Je ne distingue pas entre les races. Je suis pour « l’homme » d’abord ; qu’il soit russe, qu’il soit japonais, je suis pour l’ouvrier, pour l’opprimé, pour le malheureux, qui est de toutes les races ; et, quoi qu’il advienne, quel sera, pour lui, le gain de cette rencontre ?… Elle montre douloureusement à quel point les hommes oublient ou