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Il affirme comme ferait la Vérité, si la Vérité avait une voix, et il affirme pour l’éternité, souverainement, splendidement. Et l’esprit demeure stupide devant la prodigieuse rencontre de ce palais cérébral, en vérité unique dans le monde, où nul hypogée obscur, nulle oubliette clandestine ne recèle même le fantôme du Doute. Il est d’abord un apôtre, et intransigeant dans son rude apostolat. Que serait un apôtre qui hésiterait sur sa mission et douterait de soi-même ? Qui persuaderait-il, s’il offrait à l’anxiété des hommes une pensée flottante ? Quel crédit pour sa parole, s’il n’avait pas lui-même enfermé sa croyance dans les citadelles de l’absolu ? Tolstoï n’a pas mis cinquante ans à dominer et à briser les survivances et les préjugés qu’il tenait de son sang et de sa caste, à faire un homme libre du prisonnier qu’il fut, à conquérir sa croyance morale, pour culbuter, au temps de la vieillesse, aux déprimantes élégances d’un impuissant pyrrhonisme. Donc il affirme, mais cependant il discute, il écoute et, dans la manière dont il écoute, il n’y a pas seulement la patiente courtoisie d’un hôte