est un glissement insaisissable, à peine perceptible à notre entendement, mais continu et incessamment progressif. Tandis que nous vivons au jour le jour, attentifs aux phénomènes passagers, mais inconscients de la profonde loi des faits, l’humanité poursuit sa route, lentement, pesamment, sans répit, vers la lumière de la vérité. Notre impatience fait notre erreur. Nous jugeons les choses d’après nous-mêmes, d’après l’infime portion de durée que tient notre vie. Réfléchissons davantage aux milliers d’années qui nous ont précédés, aux milliers d’années qui nous succéderont. Quand on regarde de si haut, l’espoir est permis. Comment nier le progrès humain ? À ne considérer même que le petit espace d’histoire qui est pour nous tout le passé, quel adoucissement des mœurs, quelles conquêtes déjà sur la bestialité initiale ! L’homme a supprimé la torture, supprimé l’esclavage : n’est-ce rien ? Il s’affranchit un peu plus chaque jour. Déjà il est d’accord sur l’odieux de la violence. Bientôt il conviendra de son inutilité. Il a sur la bouche, s’il n’a pas dans le
Page:Bourdon - En écoutant Tolstoï.djvu/192
Cette page a été validée par deux contributeurs.