et ayant soulevé la France, elle passionnait l’univers à son tour : quel verbe plus grave pouvait retentir alors au-dessus des clameurs forcenées des partis que le verbe de l’apôtre de Iasnaïa Poliana ? Le grand révolutionnaire et le grand anarchiste, le grand négateur et le grand constructeur, le prophète de la vérité et de la justice resterait-il muet dans le combat de la vérité et de la justice ? Ayant dévoué au Bien toutes les forces de son être, se tairait-il à l’heure de jeter une parole qui serait un acte de bien ? Vers quel flambeau se tourneraient les hommes, sinon vers la pensée de celui d’entre eux qui, dans le temps présent, est la lumière de l’humanité pensante ? Il se taisait.
Mon dessein était de demander à Tolstoï les raisons de son silence. Il combla mon désir en le devançant. Le premier, il me parla de l’affaire Dreyfus. Ce fut à l’occasion de Shakspeare et à la suite d’un enchaînement de propos que je rapporterai fidèlement.
Je lui demandais s’il travaillait beaucoup, s’il écrivait, ce qu’il écrivait.
— Oui, je travaille beaucoup, fit-il. Peut--