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caux par saccades, comme si tout ses muscles se tendaient pour une affirmation douloureuse :

— Non, rien, il n’y a rien de plus affreux que ce service militaire obligatoire qui enrôle tous les hommes, malgré eux, dans l’âge de la tendresse, pour une besogne de crime ! Jamais le monde n’a rien vu de pareil. Au temps de Gengis-Khan, ne tuaient que ceux qui le voulaient bien : les gens avaient le droit de rester chez eux, de cultiver leurs terres, de vivre en paix, de rêver, de faire le bien. Le monde moderne, votre monde civilisé, est plus féroce que Gengis-Khan. À tout homme il remet un fusil, à tout homme il commande de tuer, et, si l’homme rejette son arme, s’il refuse l’homicide, on l’en punit comme d’un forfait !… Comment peut-on accepter cela ? Comment les consciences ne se révoltent-elles pas ? Comment n’aperçoit-on pas le scandale de cette tyrannie meurtrière ?… Et que faire, que tenter, je vous le demande, tant que dureront ces choses ? Comment espérer ennoblir les âmes, tant qu’elles se courberont sous une pareille