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naîtra qu’après ma mort. Il est toujours un peu puéril, je m’en rends compte, d’annoncer ces choses-là ; pourtant c’est une décision arrêtée en moi. À quoi bon se presser, du reste ? Tout arrive toujours assez tôt, et c’est un très vilain défaut que la vanité d’écrire.

Je proteste qu’un écrivain peut avoir des motifs plus nobles de publier sa pensée, que la juste ambition d’éclairer ses contemporains est un de ces motifs. La comtesse appuie dans mon sens. Mais lui :

— Sans doute, sans doute. La vanité, cependant, y est toujours pour quelque chose. L’écrivain qui s’est fait cet aveu se doit de vaincre sa faiblesse. Qu’un homme ait des choses importantes à dire aux autres hommes, qu’importe le moment ! En prenant son temps, il se donne l’occasion d’une réflexion plus ample, et la chance d’une démonstration plus éclatante. Mais nous avons cette invincible inclination de tout rapporter à nous-mêmes, à la petite part de durée et d’espace que nous occupons dans l’infini, comme si le monde et l’humanité étaient