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M. Tolstoï, avec qui je causais ces jours dernier !!, me disait : « Voilà ce qui peut s’appeler une émancipation. Nous oc renvoyons pas nos serfs les mains vides, nous leur donnons, avec la liberté, la propriété ! » Il me disait encore : « On vous lit beaucoup en Russie, mais on ne comprend pas l’importance que vous attachez à votre catholicisme. Il a fallu que je visitasse l’Angleterre et la France, pour comprendre à quel point vous aviez raison. En Russie, l’Église est zéro. »

Tolstoï fut frappé de la forte personnalité de Proudhon, de ses opinions courageuses qu’il partagera en partie, lorsqu’il en viendra à considérer l’anarchie, mais entendue au sens chrétien, comme le point culminant du progrès humain. Il soutiendra de même, dans la Guerre et la Paix, la thèse proudhonienne des masses contre les élites, dont la révolution de 1848, suivie du coup d’État, avait guéri le farouche égalitaire.

Rentré en Russie, au moment où l’édit d’émancipation du servage libérait soixante millions de paysans, traités jusqu’alors et vendus comme des bêtes de somme, le jeune comte, retiré dans sa terre d’Yanaïa Poliana, après des réformes inconsidérées précédemment entreprises, songeait à éduquer ses moujiks. Il avait été peu édifié par l’enquête qu’il avait laite, notamment à Marseille, sur les écoles primaires d’Occident ; les méthodes suisses et germaniques ne lui disaient non plus rien qui vaille. Toujours