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tracts de propagande à l’usage du peuple, peu connus du public lettré, attirent notre attention, et nous révèlent quelques-uns des sentiments qui ont conduit la malheureuse Russie à l’abîme d’où elle sortira un jour, espérons-le, rajeunie et renouvelée.

Il y aurait injustice criante à rendre Tolstoï responsable des crimes et des infamies bolcheviks. N’a-t-il pas condamné le meurtre, réprouvé la violence, cherché d’abord, au prix de quelles luttes intérieures et de quelles souffrances, à se reformer lui-même, à mettre en harmonie sa vie et sa doctrine, avant de vouloir préparer à son peuple et au genre humain une rénovation d’existence. Il signale les côtés d’ombre, il étale les plaies, il stigmatise les cruautés de l’État russe et de notre monde civilisé ; il croit que, pour y remédier, il suffit de faire appel au cœur, à la bonté de chacun : et, comme il arrive fatalement, l’utopie dans les idées s’est traduite par des atrocités dans les faits.


I


Les romanciers russes, les Gogol, les Tourguénef, les Dostoïewsky, en l’absence de toute vie publique, ont joué, pour la Russie, dans le domaine de la fiction à laquelle la censure obligeait à recourir, un rôle politique et social semblable à celui des philosophes du dix-huitième siècle ; ils ont servi de guides