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supposé s’en être allé du corps de la sorcière, et celle-ci, soudain calmée, ne laisse plus voir aucune trace de sa récente crise. Il est même à remarquer que la crédulité de ces pauvres gens est si grossière que les sorcières, en somme habiles à les exploiter, ne se donnent souvent même pas la peine de simuler la moindre fatigue, le moindre épuisement.

Enfin, nous ajouterons encore que le peuple a recours à la « moutang » pour se mettre en communication avec l’esprit des morts. Ceux-ci sont questionnés sur ce qui se passe dans le royaume des Ombres. On veut savoir s’ils ont vu telle ou telle personne morte depuis peu ou d’ancienne date, et ils répondent avec d’autant plus de sang-froid qu’ils ne craignent pas d’être contredits. Dans la croyance des Coréens ignorants, l’autre monde est gouverné par un chef dont il est difficile d’obtenir les faveurs. Il s’agit donc de faire quelque chose pour le mort en lui conciliant les hautes protections du lieu. Aussi, lorsque la conversation est terminée avec le défunt, dit-on à la « moutang » d’appeler le Grand Juge (ils ont dix juges pour le royaume des Morts), et c’est le Juge suprême que l’on invoque en lui présentant des mets et en le priant de rendre l’existence dans l’autre monde facile à celui qui est parti. Généralement, le Grand Juge promet tout ce qu’on veut, et se retire en remerciant la compagnie des mets excellents qu’elle lui a présentés. Et la séance de démonolâtrie est levée.

Nous terminerons cette longue série des services rendus par les sorcières en disant qu’une de leurs plus importantes fonctions est d’être l’intermédiaire avec le Kwe-yuk Tà-Sin ou le Grand esprit de la petite vérole, car c’est la seule maladie qui ait le privilège de posséder son esprit à elle. C’est qu’elle est la maladie la plus redoutée, étant la plus fréquente, et trop souvent entraînant la mort. Lorsque la petite vérole a été constatée dans une famille, les membres ne doivent plus se peigner, ni changer de vêtements, ni balayer la maison. Il ne faut pas implorer l’esprit protecteur de la maison. Les parents du malade ne doivent manger que du riz sans fèves.