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notes historiques

parle, dans un rapport adressé à son gouvernement, de la bienveillance et de la libéralité que les autorités françaises et hollandaise » mirent à favoriser ses recherches, et des entraves que les ministres anglais y apportèrent. Il fallut plusieurs mois de sollicitations de la part de l’ambassadeur américain ; elles n’aboutirent d’abord qu’à un refus mitigé, puis, après avoir obtint » les permissions une à une, il dût ne procéder qu’avec les scribes du département, sous la surveillance d’un officier principal du bureau, et faire examiner au préalable, par le secrétaire des affaires étrangères tous les papiers dont il désirait prendre copie (I was merely, in the first instance, to indicate, by slips of paper, the documents I might wish to transcribe, and not to transcribe, or make abstract of any of them, until the papers so indicated should have been examined and allowed, on the part of Lord Aberdeen. Après avoir subi toutes ces mesures de prudence ombrageuse, il lui fallut encore renoncer à connaître bien des documents scellés pour tout œil étranger. Il a dit, depuis, que parmi ces papiers s’en trouvaient qui avaient rapport à l’histoire des Acadiens et à la guerre de l’indépendance.

Le lendemain, vers midi, George était seul avec Winslow. Page 245.

J’ai fait absenter Winslow durant l’orgie du presbytère de Grand-Pré, non pas tant à cause du besoin de la trame du roman, que parce que j’ai cru que ce personnage historique avait droit à quelques égards. Il a protesté deux fois contre le rôle ignoble que lui imposait son gouvernement. 1o Dans une lettre adressée à Lawrence ; 2o Dans son allocution aux Acadiens, en les faisant prisonniers : je sais bien que ces protestations sont bien faibles, mais elles annoncent au moins, que sa conscience s’insurgeait contre une politique inhumaine qu’il acceptait comme mesure de nécessité.

Et aujourd’hui, dans ces temps mauvais où des défections déplorables nous humilient tous les jours. Page 267.

Quand ces lignes ont été écrites, une majorité de nos députés, après avoir voté une constitution qui, par ses dispositifs, met en échec toute notre législation nationale ; non contents de nous avoir entourés de gouverneurs et de corps privilégiés, armés contre nous de leur veto et relevant de l’autorité anglaise, ils s’apprêtaient encore à nous imposer des projets de lois aussi injustes, aussi insultants qu’ils étaient mal conçus. Nous avons écrit sous l’empire d’un sentiment qui arracha, quelques Jours plus tard, à un membre de cette même majorité parlementaire, les belles paroles suivantes dont nous lui tiendrons toujours compte : « Faudra-t-il donc, a dit M. Cauchon en Chambre, que nous vivions toujours dans la méfiance les uns des autres, et que nous trouvions dans la constitution, même écrite, le devoir de se haïr ? Est-ce qu’il n’y a pas, dans la constitution fédérale même, des garanties suffisantes pour la minorité anglologue ? Du reste, ce dispositif viole essentiellement le vingt-troisième article du projet de Québec, qui déclare que les législatures locales auront le droit si naturel de définir les circonscriptions électorales de la province ? Les autres députés du Bas-Canada feront comme ils l’entendront, mais moi, je vote contre cette résolution pour dégager ma responsabilité de représentant et protester au nom de l’histoire de notre pays et de la dignité nationale à laquelle elle porte profondément atteinte. »

On se rappelle qu’il s’agissait ici de l’amendement que M. Gall avait introduit dans le projet de notre constitution du Bas-Canada et qui a été voté par une majorité bas-canadienne !

« Dans la résolution telle que proposée par M. Macdonald, écrit M. Cauchon dans son journal, il fallait le consentement des trois-quarts des membres des deux chambres pour changer la représentation et la division territoriale des comtés du Bas-Canada, excepté les douze comtés que je viens de nommer. Pour opérer des changements dans les limites de ces comtés privilégiés (ceux où les Anglais sont en plus grand nombre), il faudrait le double consentement et de la majorité de leurs représentants et de celle de toute la représentation. Était-il possible de faire des distinctions plus humiliantes pour l’immense majorité du Bas-Canada et plus outrageantes à notre honneur et à notre dignité ? et serait-il possible que nos représentants leur donnassent une éternelle sanction ?…