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souvenir d’un peuple dispersé

missionnaire et son guide. Il entendit même distinctement le prêtre dire, en sortant du bois :

— Voilà une rude tâche pour toi, mon enfant ; j’espère que nous arrivons.

— Oui, mon Père, répondit le jeune homme, il ne reste plus que quelques arpents…

Jacques et son ami se précipitèrent sur leurs pas, et les rejoignirent bientôt.

La surprise du religieux ne fut égale qu’à sa joie, en reconnaissant son capitaine aimé d’autrefois :

— Quoi ! c’est bien vous, mon cher Hébert, que je revois ici, à une pareille heure !

— Et c’est une bien bonne fortune que le ciel me fait que de me jeter sur votre chemin, à cet instant.

— Mais, c’est que je vous croyais parmi nos morts, depuis longtemps ; connaissant votre ardeur, je supposais que si les balles des Anglais avaient de l’esprit, elles ne trouveraient rien de mieux à faire, pour leur compte, que de vous choisir pour but.

— La bénédiction que vous m’avez donnée, quand nous nous séparâmes près de la rivière St. Jean, leur a ôté tout l’esprit qu’elles auraient pu avoir. Et vous, mon Père, comment avez-vous pu échapper à nos ennemis ?… Vous vous êtes bien exposé pour sauver mes malheureux compatriotes !

— Oh ! je m’en suis tiré à merveille ; j’ai réussi à conduire jusqu’à Québec presque tous ceux que j’avais recueillis, grâce à la connaissance que j’avais du pays. Une partie de ces braves gens ont pu s’établir dans les environs des Trois-Rivières. Depuis cette époque, j’ai exercé le ministère chez différentes tribus sauvages, et les derniers événements m’ont ramené dans notre mission de la Prairie de la Magdeleine, où, en attendant que le vainqueur règle notre sort futur, je vais m’occuper à visiter les nouveaux établissements disséminés dans ces environs. Ce sont ces devoirs qui m’amènent ce soir dans cette concession isolée, ouverte en partie par vos compatriotes… En effet, je suppose que je dois à cette circonstance le plaisir de vous rencontrer dans ce lieu ; auriez-vous des parents ici, par hazard ?…

— Je l’ignore encore, mon Père : après avoir cherché inutilement ailleurs, je venais ici pour m’assurer si quelqu’un de ma famille ne s’y était pas réfugié.

— Lors de mes deux visites, j’ai bien rencontré quelques Hébert, mais je n’ai pas eu l’occasion de m’assurer s’ils vous étaient parents ; nous découvrirons cela ensemble, capitaine.