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temps ce que c’est qu’un méchant homme et un mauvais livre. À treize ans, je croyais encore que tous les poètes ressemblaient à Corneille ou à Racine, tous les historiens à Bossuet, tous les moralistes à FéneIon. »

Quelques volumes de Buffon, qu’on mit entre les mains de l’adolescent, éveillèrent en lui le goût de la science et lui révélèrent sa vocation. L’histoire naturelle, science surtout d’observation, devint son étude favorite, étude à laquelle ne pouvait être que favorable l’isolement dans lequel il vivait au château de Lacépède. Sans compagnon, il n’avait point l’occasion d’être distrait par les jeux de son âge :

« L’habitude de penser longtemps, dit-il dans les Mémoires déjà cités, me conduisit à celle d’examiner avec attention tous les objets dont je m’occupais. J’y acquis de la facilité, j’y trouvai du plaisir…. J’allais souvent m’asseoir à l’ombre des grands arbres, au sommet des roches escarpées du haut desquelles je dominais sur cette vaste et admirable plaine de la Garonne… Ma vocation devenait plus forte au milieu de ces grandes images, et du haut des rochers il me semblait entendre la voix de la nature qui m’appelait à elle, me montrait les immenses monuments de sa puissance et les magnifiques tableaux qui retracent à tous de tant de manières les traits de son immortelle beauté. »

Mais ce qui est le signe d’une nature privilégiée, son ardeur pour la science ne le rendait point indifférent aux délicates jouissances que l’art peut donner. Son père, comme son précepteur, et plusieurs membres de sa famille étaient musiciens ; il apprit d’eux cette belle