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tateurs. Tout semblait promettre à l’entreprise le plus heureux avenir, lorsqu’une compagnie rivale obtint un brevet, et, contestant le privilége de Jouffroy, lança à son tour sur le fleuve un bateau muni de sa machine, et qu’elle avait fait venir d’Angleterre. La spéculation ne lui réussit pas, encore que la concurrence devint fatale à Jouffroy ; car les deux compagnies ayant à lutter l’une contre l’autre, comme à combattre les préventions que soulevait le nouveau mode de navigation, furent également ruinées.

N’était-ce pas, pour Jouffroy, jouer de malheur ? Et grâce aux obstacles que suscitait la coalition des intérêts et des préjugés inquiétés également par la nouvelle invention, bien des années encore devaient s’écouler avant que la navigation à vapeur déjà si prospère en Amérique put s’acclimater en France. Pourtant la priorité de la découverte appartient à celle-ci, grâce à Jouffroy-d’Abbans, ainsi que se plaisait à le proclamer, en 1827, du haut de sa chaire, Arago, ce grand vulgarisateur qui, l’année suivante, insistant sur son affirmation, disait dans une des Notices publiées par l’Annuaire du bureau des longitudes : « L’idée de l’emploi de la vapeur pour faire marcher les bateaux fut mise en pratique, pour la première fois, par le marquis de Jouffroy, qui construisit, en 1782, un bateau à vapeur, qui pendant seize mois, navigua sur la Saône. »

Ce témoignage de loyale sympathie, de la part d’un juge si compétent, dut être une précieuse consolation pour Jouffroy au milieu de ses déboires et aussi de ses douleurs, car, dans l’année 1829, il perdit sa chère et fidèle compagne, et la séparation lui fut bien doulou-