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tes d’ébauches et jetées sans ordre dans quelques cartons ; de l’autre une suite de petits livrets, au nombre de plus de deux cents, où il avait inscrit, jour par jour, et seulement au crayon, ses réflexions, ses maximes, l’analyse de ses lectures et les évènements de sa vie. »

Or, quel travail à décourager le plus intrépide que celui de déchiffrer tous ces brouillons, de collationner ces feuillets minuscules, de réunir, coordonner, en les distribuant par chapitres, toutes les pensées relatives aux mêmes sujets et dispersées sur vingt feuillets, disjecti membra poetœ !

Devant une pareille tâche le fils de M. Joubert avait hésité, sinon tout à fait reculé, et une mort prématurée ne lui permit pas de l’entreprendre. Tous ces trésors devaient-ils rester à jamais enfouis, perdus ? Non, le zèle de la famille, du frère de Joubert en particulier, ne pouvait le permettre, et d’après le désir de celui-ci, M. Paul de Raynal, son gendre, se chargea : « d’accomplir cette tâche de minutieuses recherches, d’attentive restauration, ce travail de mosaïque littéraire qu’une longue patience et un dévouement pieux pouvaient seuls accepter. »

Il n’y employa pas moins de trois années, et trois années d’un labeur assidu ; mais il n’eut pas à le regretter, car lorsque parut la nouvelle édition : Pensées et Correspondance de Joubert, en deux volumes, le succès, dans le public d’élite, fut complet. Les critiques les plus éminents s’empressèrent de signaler l’ouvrage, heureux d’applaudir à cette résurrection ou exhumation glorieuse, comme elle avait fait pour André Chenier. M. Sainte Beuve, qui naguère et le premier, avait souhaité