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vient frapper eu pleine poitrine le brave jeune homme, qui tombe, mortellement atteint, dans les bras de son père.

— Père, père, dit-il, fermant les yeux à demi, je crois que c’est fini ! adieu ! embrasse-moi, et embrasse la mère… pour moi !

À peine il peut achever et il expire dans les bras de son père. Qu’on juge de la douleur de celui-ci ! Elle fut telle que ses chefs lui délivrèrent son congé, afin qu’il pût retourner dans ses foyers et trouver quelque consolation auprès des siens. Mais restait-il à Jacquard quelques parents après l’effroyable désastre dont Lyon avait été victime ? Il ignorait même ce qu’était devenue sa femme n’ayant pu la faire prévenir de sa fuite, et l’informer du lieu de sa retraite. Néanmoins, soutenu par une secrète espérance, il revint à Lyon, qui ne commençait qu’à sortir de ses ruines, et enfin, après bien des recherches, dans un misérable grenier, il retrouva sa pauvre femme occupée à tresser la paille de ses chapeaux. Avec quel transport ils tombèrent dans les bras l’un de l’autre ! mais malgré la joie qu’il éprouvait à retrouver sa chère épouse, dans les yeux de Jacquard il y avait des larmes et, tout en l’embrassant, il ne pouvait comprimer ses sanglots. Après la première émotion, la mère, comme éclairée par un soudain et douloureux pressentiment, demanda :

— Pourquoi seul, et le fils, il est donc resté là-bas ? Mon pauvre enfant, quand le reverrai-je ?

Le silence seul lui répondit.

— Ah ! jamais, jamais ! murmura l’infortunée avec un cri de désespoir, et s’affaissant sur les genoux,