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quement et juge ou plutôt condamne, condamne, aux applaudissements de la plus vile populace, tous ceux que lui désignent d’infâmes délateurs. Sur la place des Terreaux, la guillotine est en permanence, chaque jour voit tomber de nouvelles têtes, et le sang le plus généreux et le plus pur coule à flots.

Jacquard, qui s’était montré si brave soldat et vrai patriote, en cette double qualité, se trouvait au nombre des proscrits ; mais par bonheur, après la prise de la ville, il avait réussi à se dérober aux premières poursuites et se tenait caché dans un des faubourgs au fond d’une cave. Son asile n’était connu que de son fils qui, ayant l’air d’un enfant encore, pouvait, sans être observé, circuler librement dans la ville. Il en profitait, toujours aux aguets, pour écouter… aux portes, comme on dit. Le brave enfant apprend ainsi certain soir que l’asile de son père est découvert et que le lendemain ou doit venir l’arrêter. Aussitôt, avec une admirable présence d’esprit, il se rend au bureau des enrôlements militaires et demande deux feuilles de route, l’une pour lui-même et l’autre pour un de ses camarades, afin de rejoindre un régiment en marche sur Lyon.

On félicite le très-jeune volontaire sur son dévouement et les deux feuilles de route sont à l’instant délivrées. Aussitôt la nuit venue, muni des deux précieux papiers, l’enfant se glisse dans l’asile de son père : « Partons sans retard, père, dit-il au proscrit, on a découvert ta retraite. Je viens de m’enrôler et de t’enrôler avec moi : voici nos deux feuilles de route, allons rejoindre un régiment en marche sur Lyon. Protégés par l’uniforme, nous braverons les assassins