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c’est en vain que sa mère pleure, que son père résiste, il veut partir, il part..… Mais grand fut le désenchantement !.… et le voyage ne fut pas précisément une continuelle partie de plaisir. Au lieu de douces rêveries, de longues contemplations sur le pont, il fallut s’employer à de rudes manœuvres, ployer humblement sous la brusquerie de l’oncle, obéir servilement au sifflet du contre-maître et se coucher le soir dans un hamac, tout brisé par la douleur et la fatigue. Hélas ! les îles désertes, les plages inconnues et riantes, où étaient-elles ? Bernardin s’en revint fort découragé, fort désappointé, ce qui ne l’empêcha pas maintes fois plus tard de se laisser reprendre à de nouvelles illusions. Sans cesse nous le voyons attiré vers des rives étrangères par ses chimères décevantes, et sans cesse repoussé par les rudes leçons de l’adversité ! »

Mais quoi ! cette destinée n’est-elle pas celle de bien d’autres, de presque tous, de vous peut-être, ami lecteur, ou de moi-même qui, après mainte déception, mainte fâcheuse expérience, nous obstinons à ne pas voir la vie comme elle est, « une suite de devoirs prosaïques, » a dit un sage écrivain, et refaisons sans fin notre éternel roman du bonheur ?

Un petit mot encore. Pour montrer combien il importe de ne mettre entre les mains des enfants, des adolescents, que de bons, d’excellents livres, alors qu’une lecture fait de telles et si vives impressions sur ces imaginations vierges encore, je citerai un fait qui m’est personnel et me revient en ce moment à la mémoire.

Je me rappelle que, tout enfant, j’entendais lire à la