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bourreau ; et les juges en même temps votèrent une somme de 50 livres sterlings pour celui qui découvrirait l’auteur, prime offerte à la dénonciation ! Des poursuites, en attendant, furent dirigées contre le libraire et l’imprimeur. Dès qu’il l’apprit, Daniel n’hésita pas à se faire connaître et à assumer seul la responsabilité de son œuvre. Cette généreuse conduite eût dû lui concilier la bienveillance de ses juges, du moins lui mériter quelque indulgence, mais loin de là. L’arrêt, qui ne fait pas certes honneur à la tolérance protestante, condamnait, par une sévérité sans doute excessive, l’écrivain à l’exposition publique au pilori et à deux années de prison. De plus, il lui fallut payer une amende relativement énorme, puisqu’elle le dépouilla de toute sa fortune due soit au produit de ses brochures, soit à la générosité du roi Guillaume.

Dégoûté de la politique et de la polémique par cette fâcheuse expérience, de Foë, sorti de prison, ne s’occupa plus guère que de travaux littéraires. « Mais, dit un biographe, ses ouvrages furent trop nombreux et trop divers : à côté d’un traité de morale et de religion, on voit une satire virulente et un conte licencieux. Ses romans de Molly Flanders et du Colonel Jack sont des peintures du vice dans toute sa laideur, et il est sans doute des moyens plus sages d’inspirer le goût de la vertu. Du reste, ces écrits, ainsi que beaucoup d’autres, sont du nombre des livres qu’on ne lit plus ; il n’en est pas de même du Robinson Crusoé dont la fortune fut si étonnante, et qui, chose singulière, fut publié d’abord sans nom d’auteur, preuve que de Foë lui-même était loin de prévoir son succès. » La pensée de cet ouvrage