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là en vérité presque un phénomène et qui ne peut s’expliquer que par la condescendance réciproque et surtout la générosité naturelle des deux associés, oublieux l’un et l’autre de leur propre intérêt, et ne songeant, chose rare, qu’à faire tourner, chacun au profit de son associé, les succès de la communauté. On conçoit que dans ces conditions, et avec cette parfaite unité de direction, la maison Richard-Lenoir devînt l’une des premières maisons de Paris, de la France même, surtout lorsque les associés purent fabriquer eux-mêmes les marchandises tirées jusque là d’Angleterre et auxquelles on fut bientôt en mesure de faire une redoutable concurrence grâce à une heureuse découverte de Richard.

« Un jour de désœuvrement, dit un écrivain, Richard avait sous la main une pièce de mousseline prohibée. Machinalement d’abord, il la défile ; puis, plus attentif, il en compte les fils et les pèse. Il voit avec surprise que huit aunes de mousseline ne contiennent qu’une livre de coton ; que ces huit aunes, qui se vendent 80 fr., ne renferment que 12 fr. de matière première. Un simple coup d’œil lui révèle à l’instant qu’il y a là d’immenses bénéfices à réaliser et toute une industrie à créer. Il se promet de doter son pays de cette richesse. Pour mettre à exécutien son projet, cependant, il n’a encore ni machines ni ouvriers. Il faut qu’il retrouve d’abord la manière de défiler, puis celle de filer, et enfin le secret des diverses fabrications, et aussi des ouvriers qui le comprennent. Aucun obstacle ne l’arrête. Il enrôle quelques pauvres Anglais à peine instruits des premières notions de l’industrie. D’après les dessins informes de l’un d’eux, il fait construire des métiers par un menuisier à défaut