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direction d’un établissement semblable, Jacquard dut renoncer à son entreprise, et la vente des métiers suffit à peine pour couvrir les dettes.

Cependant il restait quelques ressources encore à Marie-Joseph, une assez jolie maison faisant partie de l’héritage. Sur ces entrefaites, la fille d’un armurier du nom de Brochon, quelque voisin sans doute, plut à l’honnête artisan, moins peut-être par ses agréments extérieurs que par son caractère : « C’était, dit M. Durozoir, un modèle de patience, de douceur et d’activité. » La famille, flattée de la recherche, acheva, par la promesse d’une dot, de décider Jacquard, qui n’hésitait qu’à cause de la difficulté des temps. Le mariage eut lieu, mais presque au lendemain de la cérémonie, les embarras commencèrent. Jacquard, déçu dans ses espoirs, quant à la dot, dut vendre la maison paternelle pour suffire aux nécessités du ménage. Du reste, l’affection des deux époux ne fit que s’augmenter de ces difficultés, Jacquard ayant eu le bon esprit de ne pas rendre sa jeune femme responsable des mauvais procédés de ses parents, dont elle était réellement innocente et souffrait la première.

Laborieuse et adroite, elle ouvrit une petite fabrique de chapeaux de paille, dont le produit l’aida à élever un fils qui leur était né ; mais Jacquard, de son côté, ne gagnait rien ; trop distrait peut-être par ses préoccupations d’inventeur. Après avoir cherché vainement à s’occuper dans la ville, il en fut réduit à se mettre au service d’un chaufournier de la Bresse. Il était là depuis une année ou deux, mais « en 1793, dit M. de Fortis, lorsque les tyrans populaires de la malheureuse France