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un goût prononcé pour la mécanique. Pendant que ses camarades couraient à leurs jeux, ne pensaient qu’à la balle, à la toupie, aux billes, Marie-Joseph, enfermé dans la partie la plus retirée du logis, s’occupait à fabriquer de petites maisons de bois, des tours, des églises, des meubles et d’autres objets remarquables surtout par l’exactitude des proportions.

Son père, dit-on, voulait qu’il apprit son propre métier, et cependant, par une circonstance qu’on n’explique pas, l’enfant entra d’abord dans un atelier de relieur, qu’il quitta, au bout de quelques années, pour l’atelier d’un des plus habiles fondeurs de Lyon (de Saulnier). Employé à la fonderie des caractères d’imprimerie, Jacquard se fit remarquer par la prompte intelligence de tout ce qui avait trait à la mécanique, et il inventa, pour l’usage des imprimeurs, divers outils qui furent immédiatement adoptés comme un progrès. Néanmoins on ne voit pas que ce résultat lui ait été fort utile à lui-même, car pendant ces belles années de la jeunesse, qui pour tant d’autres sont enchantement et bonheur, non-seulement sa vie s’écoula obscure, laborieuse, mais pénible, et même il eut à lutter contre des gênes cruelles. À la vérité, toutes les industries, et celles de luxe surtout, se trouvaient en souffrance par suite de l’explosion révolutionnaire, et Jacquard, qui, revenu auprès de son père, avait adopté la profession de celui-ci, voyait incessamment le travail décroître. Néanmoins, son père étant mort en lui laissant un modique héritage, il en employa la plus grande partie à monter un atelier d’étoffes façonnées ; mais soit le malheur du temps, soit que son génie fût peu propre à la