Page:Bouniol - Les rues de Paris, 2.djvu/363

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Vous avez raison, on peut toujours faire visite à la veuve, par politesse.

Et les amateurs de se diriger vers la demeure de Rembrandt où l’on trouve la veuve en vêtements lugubres, la larme à l’œil, occupée toutefois à disposer les tableaux et dessins pour la vente prochaine où tout fut enlevé à la surenchère et au quadruple du prix ordinaire. Les moindres ébauches, balayures d’atelier, furent disputées avec acharnement. Bref, on fit maison nette.

Or, quelques jours après, un desdits amateurs, assez connu de l’artiste, jetait, en passant, sur la maison en deuil un regard mélancolique, quand soudain, à l’une des fenêtres, il aperçoit Rembrandt lui-même, aussi bien portant que jamais, la mine florissante et qui lui sourit d’un air un peu narquois.

L’autre n’en croit pas ses yeux qu’il se frotte à deux reprises dans l’éblouissement de cette résurrection inattendue. Pensant rêver, il entre dans la maison et se trouve face à face avec le prétendu défunt, auquel il ne peut s’empêcher de dire :

— Ah bien ! on vous croyait mort !

— Pas tout à fait, répondit Rembrandt, d’un air malicieusement bonhomme. Pour un revenant, j’ai encore une mine honnête, n’est-ce pas ?

— Heuh ! vous ne ressemblez guère à un convalescent. La maladie ne vous a pas fait maigrir. Mais ! c’était donc une plaisanterie, une mort pour rire ?

— Un joyeux tour, hein, et bien imaginé ?

— Pas pour les amateurs, grommelait entre ses dents le visiteur.