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assiettes et les verres, disparurent avec la ménagère ; Rembrandt s’arma d’un tampon chargé d’encre pour toucher une planche de cuivre placée sur une presse voisine ; car il tirait lui-même les épreuves de ses gravures dont, calculateur habile, tantôt par la variété savante des teintes, tantôt par quelques égratignures ou le degré plus ou moins avancé du travail, il faisait autant d’originaux.

Il achevait de tirer la seconde épreuve, quand on frappa discrètement à la porte qui, fermée toujours avec précaution par le maître, ne s’ouvrait pas au premier venu. Il reconnut la main qui frappait, car il s’empressa de pousser le verrou pour laisser entrer le visiteur, un tout jeune homme, que Rembrandt accueillit avec un certain sourire familier aux gens de commerce, en disant :

— Eh bien, as-tu fait de bonnes affaires aujourd’hui ?

— Assez, père.

— Ils ont mordu à l’hameçon ?

— Merveilleusement. Comme vous me l’aviez ordonné, je me suis présenté chez les amateurs en enfant prodigue, ne montrant qu’à la dérobée vos belles épreuves que je disais avoir emportées à votre insu, mais par ce motif exigeant le double du prix ordinaire. On me l’a donné sans débat, à la condition que je continuerais le manége à mes risques et périls. Voici l’argent.

Rembrandt tendit sa main bientôt remplie par les florins qu’il comptait avec cette joie morne et ce regard indéfinissable de l’avare.

— Fort bien, garçon, dit-il à son fils. Tu as plus d’esprit encore que je ne pensais, et si l’étoffe manque pour