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coton, qui ne fut pas plongé la veille dans les eaux lustrales, s’aplatit négligemment sur sa chevelure grisonnante et plus qu’en désordre ; une espèce de surtout, de veste, de houppelande ou plutôt je ne sais quel vêtement étrange qui n’a plus ni nom, ni forme, ni couleur, l’habille au hasard et relève peu majestueusement ses traits qui ne brillent pas par la distinction. Le nez saillant, les lèvres épaisses, les joues pendantes et qui se prononcent dans un ovale irrégulier, donnent au personnage l’air d’un artisan vulgaire ; mais, dans ces traits en apparence grossiers, un observateur attentif sait découvrir d’admirables finesses. Le front élevé et large, le regard sérieux révèlent la supériorité d’une haute intelligence, et l’on s’étonne moins que ce soit là l’original du portrait qu’on voit suspendu à la muraille et qui nous montre cet élégant cavalier, dont la figure jeune et vermeille, avec ses carnations lumineuses, ressort si vivement grâce à sa riche toque de velours et à son pourpoint de même étoffe.

Ce portrait est celui de Rembrandt et le bizarre personnage assis devant la table, c’est encore le grand artiste, mais vieilli par le travail et les années.

C’est l’heure du repas, un repas peu fait pour tenter les gastronomes. Quelques harengs saurs, maigres surtout pour la Hollande, un reste de fromage dont le rat de la fable eut détourné dédaigneusement le museau, voilà le menu du festin, et, dit la chronique qui exagère sans doute, l’ordinaire du logis. L’artiste y fit honneur cependant, mais en quelques minutes et en homme pressé de se remettre à la besogne.

Sur un signe, tous les débris du repas, ainsi que les