particulières que je vous redirai quelque jour, et que vous entendrez avec plaisir : mais en voici une que je ne puis différer de vous dire et que j’ai ouï conter au roi :
» Un soldat du régiment des fusiliers, qui travaillait à la tranchée, y avait posé un gabion ; un coup de canon vint qui emporta son gabion : aussitôt il en alla poser à la même place un autre, qui fut sur le champ emporté par un autre coup de canon. Le soldat, sans rien dire, en prit un troisième et l’alla poser ; un troisième coup de canon emporta ce troisième gabion. Alors le soldat rebuté se tint en repos ; mais son officier lui commanda de ne point laisser cet endroit sans gabion. Le soldat dit :
— J’irai, mais j’y serai tué. « Il y alla, et, en posant son quatrième gabion eut le bras fracassé d’un coup de canon. Il revint soutenant son bras pendant avec l’autre bras, et se contenta de dire à son officier :
— Je l’avais bien dit.
« Il fallut lui couper le bras qui ne tenait presque à rien. Il souffrit cela sans desserrer les dents, et, après l’opération, dit froidement :
— Je suis donc hors d’état de travailler ; c’est maintenant au roi à me nourrir.
« Je crois que vous me pardonnerez le peu d’ordre de cette narration ; mais assurez-vous qu’elle est fort vraie. »