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M. de Cavoye s’avisa, dit-on, de demander à mon père, dit Louis Racine, s’il avait eu l’attention de faire ferrer ses chevaux à forfait. Mon père, qui n’entend rien à cette question, lui en demande l’explication.

— Croyez-vous donc, lui dit monsieur de Cavoye, que quand une armée est en marche, elle trouve partout des maréchaux ? Avant que de partir, on fait un forfait avec un maréchal de Paris qui vous garantit que les fers qu’il met aux pieds de votre cheval y resteront six mois.

« Mon père répond (ou plutôt on lui fait répondre) : — C’est ce que j’ignorais, Boileau ne m’en a rien dit ; mais je n’en suis pas étonné, il ne songe à rien.

« Il va trouver Boileau pour lui reprocher sa négligence. Boileau avoue son ignorance, et dit qu’il faut promptement s’informer du maréchal le plus fameux pour ces sortes de forfaits. Ils n’eurent pas le temps de chercher. Dès le soir même, M. de Cavoye raconta au Roi le succès de sa plaisanterie. Un fait pareil, quand il serait véritable, ne ferait aucun tort à leur réputation. »

Autre anecdote :

Un jour, après une marche fort longue, Boileau très-fatigué se jeta sur un lit en arrivant sans vouloir souper. M. de Cavoye, qui le sut, alla le voir après le souper du Roi, et lui dit avec un air consterné qu’il avait à lui apprendre une fâcheuse nouvelle. « Le roi, ajouta-t-il, n’est point content de vous, il a remarqué aujourd’hui une chose qui vous fait grand tort dans son esprit.

— Et quoi donc ? s’écria Boileau fort alarmé.

— Je ne puis me résoudre à vous le dire ; je ne saurais affliger mes amis.