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moi. Elle ne connut ni par les représentations, ni par la lecture, les tragédies auxquelles elle devait s’intéresser ; elle en apprit seulement les titres par la conversation. »

Son indifférence pour la fortune n’était pas moindre et parut un jour inconcevable à Boileau. « Mon père, dit L. Racine, rapportait de Versailles une bourse de mille louis présent du roi, et trouva ma mère qui l’attendait dans la maison de Boileau à Auteuil. Il courut à elle et l’embrassant.

— Félicite-moi, lui dit-il, voici une bourse de mille louis que le Roi m’a donnée.

« Elle lui porta aussitôt des plaintes contre un de ses enfants qui depuis deux jours ne voulait point étudier.

— Une autre fois, reprit-il, nous en parlerons : livrons-nous aujourd’hui à notre joie.

« Elle lui représenta qu’il devait en arrivant faire des réprimandes à cet enfant, et continuait ses plaintes lorsque Boileau qui, dans son étonnement, se promenait à grands pas, perdit patience et s’écria :

« Quelle insensibilité ! peut-on ne pas songer à une bourse de mille louis ?

« On peut comprendre qu’un homme, quoique passionné pour les amusements de l’esprit, préfère à une femme, enchantée de ces mêmes amusements et éclairée sur ces matières, une compagne uniquement occupée du ménage, ne lisant de livres que ses livres de piété, ayant d’ailleurs un jugement excellent, et étant d’un très bon conseil en toutes occasions. On avouera cependant que la religion a dû être le lien d’une si parfaite union entre deux caractères si opposés : la vivacité de