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comme lui qu’une main adroite peut n’y être souvent qu’un instrument inutile ? C’est d’une main paralytique et tremblante qu’il a peint plusieurs chefs-d’œuvre dont nous venons de parler (le Déluge entre autres) ; chefs-d’œuvre fait pour donner des leçons à tous les poètes de l’univers ; que dis-je ? Sans ce faible instrument il pouvait leur dicter assez d’idées pour servir de matière à des poèmes entiers. Un sentiment profond, calme, élevé, est la source du style noble et sublime du Poussin ; génie neuf et la gloire de sa patrie : c’est un des hommes qui ont possédé plus de grandes parties de la peinture, et il est placé par beaucoup de gens à côté de Raphaël même[1].  »

Une anecdote en terminant :

« J’ai souvent admiré, dit Bonaventure d’Argonne, l’amour extrême que cet excellent peintre avait pour la perfection de son art. À l’âge où il était, je l’ai rencontré parmi les débris de l’ancienne Rome, et quelquefois dans la campagne et sur les bords du Tibre, qu’il dessinait et qu’il remarquait le plus à son goût. Je l’ai vu aussi rapportant dans son mouchoir des cailloux, de la mousse, des fleurs, et d’autres choses semblables, qu’il voulait peindre exactement d’après nature.

« Je lui demandai un jour par quelle voie il était arrivé à ce haut point d’élévation qui lui donnait un rang si considérable entre les plus grands peintres d’Italie : il me répondit modestement :

« — Je n’ai rien négligé ! »

Une parole à méditer, jeunes artistes, ou plutôt jeunes gens, car pour toutes les carrières elle est vraie !

  1. Taillasson. Observations sur quelques grands peintres.