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naire paralytique à demi. On pourrait presque dire que Poussin n’est jamais plus admirable que dans ses paysages, si majestueusement poétiques, parce qu’il s’inspirait dans ces œuvres plus librement, plus directement de la nature, et qu’entre elle et lui ne s’interposait pas le modèle antique, comme cela lui arrivait souvent, fût-ce à son insu, pour ses tableaux d’histoire, qui parfois donnent l’idée du bas-relief et dont les personnages, ainsi que dans la Rebecca, par l’immobilité de leurs attitudes comme par la perfection trop égale de leurs formes semblables, ont un peu l’air de statues. J’imagine que si l’on venait à retrouver quelque tableau d’Apelles, Zeuxis ou Protogènes, il se rapprocherait de ce modèle.

Il y a du vrai, quoique non peut-être sans quelque exagération dans ces réserves de d’Argenville : « Cette étude particulière des figures et des bas-reliefs antiques, en lui acquérant un dessin très-correct et de beaux contours, lui avait donné en même temps un coloris faible et une manière dure et sèche qui tenait encore du marbre… On pourrait souhaiter que le Poussin eût moins négligé la partie du clair-obscur et du coloris. La nature, souvent consultée, aurait donné à ses figures cet air de vérité et de vivacité qui y manque (oh ! pas toujours, monsieur l’Aristarque). On les trouve souvent plus dures que délicates ; ses draperies sont toutes d’une même étoffe, avec trop de plis. Pouvait-il ignorer que l’objet de la peinture, qui diffère de celui de la sculpture, est de ne pas suivre si servilement l’antique et de sortir enfin du marbre ? Si au lieu de regarder simplement les tableaux du Titien, du Giorgione, du Corrége,