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sorat au collége Lemoine, avait droit à sa retraite, n’hésita pas à la prendre pour se consacrer exclusivement aux sciences. Mais peu s’en fallut que la Révolution ne vînt l’arrêter au milieu de ses graves études et qu’on ne le comptât au nombre des victimes de la Terreur. Arrêté pour avoir refusé le serment que condamnait sa conscience, il fut enfermé dans la prison de Saint-Firmin d’où il sortit heureusement, après une assez courte détention, grâce aux efforts courageux de son élève Geoffroy Saint-Hilaire. Tout occupé de ses recherches scientifiques, Haüy ne pouvait croire d’ailleurs au péril dont on le menaçait : « Cellule pour cellule, a dit Cuvier[1], il n’y trouvait pas trop de différence ; tranquillisé surtout en se voyant au milieu de beaucoup d’amis, il ne prit d’autre soin que de se faire apporter ses tiroirs et de tâcher de remettre ses cristaux en ordre. »

Aussi lorsque, le 13 août, Geoffroy Saint-Hilaire, muni de l’ordre de mise en liberté, vint pour le faire sortir, le savant répondit doucement :

— Il est trop tard pour aujourd’hui ; remettons, mon cher ami, à demain matin ; au moins j’aurai la messe avant de quitter la maison.

Et le lendemain, il fallut presque l’entraîner par force, sans doute parce qu’on ne pouvait déménager immédiatement tous ses tiroirs. Quinze jours après, avaient lieu les massacres de septembre, et Haüy comprit enfin que le danger n’était que trop sérieux. Grâce au certificat de civisme qui lui fut délivré, toujours par l’entremise de Geoffroy Saint-Hilaire, il put

  1. Éloge de Réné-Just Haüy