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partager l’opinion de la plupart des biographes et des critiques, qui veulent que, dans ce genre encore, Poussin triomphe et reste égal à lui-même. Non, dans les Bacchanales et autres sujets mythologiques, je lui trouve une certaine pesanteur, une certaine lourdeur, et ses nudités sont loin d’être aussi chastes que celles du peintre de l’hôtel Lambert, dont elles n’ont pas, tant s’en faut, le coloris ravissant. Le malheur même a voulu, supposé que ce fût un malheur, que pour la plupart des tableaux en ce genre, le coloris se soit complètement dénaturé, poussant tantôt au noir, tantôt au bleu foncé, à la teinte vert-de-gris, quand il s’est conservé si parfaitement dans certaines autres toiles du maître, le Ravissement de saint Paul, par exemple, le Moïse sauvé des eaux, la Manne, ce chef-d’œuvre qui est bien le tableau que voulait faire Poussin, d’après sa lettre à Jacques Stella :

« J’ai trouvé une certaine distribution pour le tableau de M. de Chantelou et certaines attitudes naturelles, qui font voir dans le peuple juif la misère et la faim où il était réduit, et aussi la joie et l’allégresse où il se trouve, l’admiration dont il est touché, le respect et la révérence qu’il a pour son législateur ; avec un mélange de femmes, d’enfants et d’hommes, d’âges et de tempéraments différents, choses qui, comme je le crois, ne déplairont pas à ceux qui les sauront bien lire. »

Mes observations relatives au coloris pourraient également s’appliquer à la plupart des paysages de Poussin, si merveilleusement conservés, le Diogène, l’Eurydice, la Grappe, ce paysage aux vastes horizons, peint d’une façon si hardie et si sûre par la main de ce septuagé-