Page:Bouniol - Les rues de Paris, 2.djvu/307

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

figure de la mère sur laquelle on voit si étonnamment confondues les impressions de la joie et de la douleur au plus haut degré, et entre lesquelles son cœur est partagé, mais de façon à ce qu’on sente bien que la première a le dessus !

Poussin est admirable pour rendre avec toute leur énergie certaines expressions, mais sans jamais faire grimacer les figures, et l’on comprend qu’il ne faisait que transporter sur la toile ce qu’il avait observé dans la nature. « Comme Léonard de Vinci, sa coutume était d’écrire et de dessiner dans un livre qu’il portait sur lui tout ce qu’il remarquait. »

Dans ce superbe tableau du Jugement de Salomon, on ne sait ce qu’il faut admirer davantage, ou la figure du juge au regard perçant et formidable dans son impassibilité, attestant le calme de la justice, ou les têtes des deux mères si fortement contrastées, presque trop : l’une, type horrible avec son masque émacié et verdâtre, type affreux de la laideur méchante, envieuse, haineuse ; l’autre, suppliante, désolée, mais noble et belle autant qu’il est permis d’en juger, car elle se perd un peu dans la demi-teinte. Faut-il blâmer le maître à ce sujet comme à propos du Germanicus mourant, qui fait dire à d’Argenville : « À l’exemple de Timanthe, qui a su couvrir le visage d’Agamemnon dans le sacrifice d’Iphigénie, n’osant pas outrer les ressources de l’art, en essayant d’exprimer sur la toile l’excès de la douleur et de la joie de ce père ; Le Poussin, dans la Mort de Germanicus, a su de même couvrir le visage d’Agrippine, sa femme, comme il a déjà été remarqué. Ces deux hommes célèbres se sont frustrés l’un et l’autre en s’ef-