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du sujet et votre propre disposition qui sont cause de cet effet, et que les sujets que je traite pour vous doivent être représentés d’une autre manière ? C’est en cela que consiste tout l’artifice de la peinture. Pardonnez ma liberté si je dis que vous vous êtes montré précipité dans le jugement que vous avez fait de mes ouvrages. Le bien juger est très-difficile si l’on n’a en cet art grande théorie et pratique jointes ensemble. Nos appétits n’en doivent pas juger seulement, mais aussi la raison. »

Cette noble fierté s’unissait chez l’artiste à la modestie en même temps qu’au désintéressement et à l’esprit de justice : « Il était si régulier, dit Félibien, à ne prendre que ce qu’il croyait lui être légitimement dû, que, plusieurs fois, il a renvoyé une partie de ce qu’on lui donnait, sans que l’empressement qu’on avait pour ses tableaux et le gain que quelques particuliers y faisaient lui donnât l’envie d’en profiter. Aussi on peut dire de lui qu’il n’aimait pas tant la peinture pour le fruit et pour la gloire qu’elle produit que pour elle-même et pour le plaisir d’une si noble étude et d’un exercice si excellent[1] ».

Que ces idées diffèrent de celles qui ont cours aujourd’hui et sont le mobile de la plupart des artistes !

À propos de l’envoi de son portrait à M. de Chantelou (29 août 1650), il lui écrit : « Il n’y a non plus de proportion entre l’importance réelle de mon portrait et l’estime que vous voulez bien en faire, qu’entre le mérite de cette œuvre et le prix que vous y mettez ; je

  1. Entretiens sur les Peintres.