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LETTRE DE POUSSIN AU COMMANDEUR DEL POZZO.
« 14 mars 1642.      

« Telles sont les variations de ce climat. Il y a quinze jours, la température était devenue extrêmement douce : les petits oiseaux commençaient à se réjouir dans leurs chants de l’apparence du printemps ; les arbrisseaux poussaient déjà leurs bourgeons ; et la violette odorante, avec la jeune herbe, recouvraient la terre qu’un froid excessif avait rendue, peu de temps auparavant, aride et pulvérulente. Voilà qu’en une nuit un vent du nord, excité par l’influence de la lune rousse (ainsi qu’ils l’appellent dans ce pays), avec une grande quantité de neige, viennent repousser le beau temps qui s’était trop hâté, et le chassent plus loin de nous certainement qu’il ne l’était en janvier. Ne vous étonnez donc pas si j’ai abandonné les pinceaux, car je me sens glacé jusqu’au fond de l’âme. »

Malgré les égards dont il était toujours l’objet de la part de ses illustres protecteurs, Poussin commença à tourner les yeux vers Rome, où il avait joui tant d’années d’une paix profonde et de la pleine liberté d’un travail selon son goût et à ses heures. Aussi ne tarda-t-il pas à solliciter la permission, qu’il n’obtint pas sans peine, de faire un voyage en Italie, pour en ramener sa femme qu’il y avait laissée peut-être avec intention. Tout probablement aussi qu’il partait avec l’arrière-pensée, s’il était possible, de rester là-bas ; ce qui n’eût pas été facile, cependant, après les bienfaits et les honneurs