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ou mutilés, ceux précisément qui lui servaient à tenir le crayon. Il n’échappa pas sans peine à une nouvelle attaque et à la poursuite acharnée de son adversaire par une fuite précipitée.

L’émotion de cette scène, et cette course violente provoquèrent une rechute ou une aggravation du mal et l’artiste, forcé de s’aliter, se trouvait dans une situation des plus fâcheuses, « lorsqu’un de ses compatriotes, Jean Dughet, qui était cuisinier d’un sénateur romain, le tira de son misérable logement pour le recueillir dans sa maison où sa femme et lui le soignèrent avec une affectueuse sollicitude, comme ils auraient fait de leur fils. Sous ce toit hospitalier, il recouvra la santé et, six mois après, il épousa leur fille aînée, Marie Dughet qui avait été, elle aussi, un peu sa garde-malade[1]. » Les noces furent célébrées à la fête suivante de Saint-Luc, patron et protecteur des peintres. La dot que Poussin reçut, quoique modeste, lui permit d’acheter une petite maison sur le mont Pincius d’où l’on découvre les plus beaux aspects de Rome. Aussi il s’y plut tellement qu’il s’y fixa pour toujours et ne l’eût pas échangée contre le plus magnifique palais dans un autre quartier.

Poussin, heureux au sein d’une famille selon son cœur, put dès lors se livrer en toute sécurité au travail, et, dans un intervalle de dix ans qui s’écoula depuis son mariage jusqu’au voyage en France, il fit un grand nombre de tableaux dont plusieurs comptent parmi ses meilleurs : la Peste des Philistins, la Manne, le Frappement du rocher, la Première suite des sacrements, faite pour

  1. Maria Graham, Mémoires sur la vie de Poussin