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plaisanterie comme du raisonnement le plus fort (ni l’un ni l’autre certes !); enfin qui, dans les courts intervalles de ses maux, résolut par abstraction un des plus hauts problèmes de géométrie, et jeta sur le papier des pensées qui tiennent autant du Dieu que de l’homme : cet effrayant génie se nommait Blaise Pascal. »

Chateaubriand, qui sacrifiait si volontiers à la phrase, le fait ici par trop aux dépens de la judicieuse critique. Le génie de Pascal, apprécié à sa juste valeur, n’a rien d’effrayant et, sans jeter bas la statue de Blaise, il suffit pour sa gloire d’un piédestal ordinaire, bien loin de l’exhausser sur une colonne qui va se perdre dans les nues. La part qui lui reste comme écrivain est encore assez belle. Le volume des Pensées, son véritable titre aux yeux de la postérité, quoique dans sa plus grande partie il ne se compose que de fragments et de notes jetées sur le papier un peu au hasard, étonne souvent par la sagacité, la profondeur, la soudaineté de la pensée, comme par la vigueur et la puissance de l’expression. C’est l’éclair qui luit tout à coup au milieu des ténèbres et qui frappe la vue, quand on prétend le fixer, d’un prompt éblouissement. Les premiers chapitres, les seuls complets et terminés, dont, bien plus que des Provinciales, on pourrait dire qu’ils ont contribué à fixer la langue, supposé, ce que je ne crois pas, qu’une langue pût être fixée, c’est-à-dire immobilisée, ces chapitres, arrivent parfois à la plus haute éloquence. Il y a là nombre de passages toujours cités avec succès et qu’on peut citer encore, celui-ci par exemple :

« Un homme dans un cachot, ne sachant si son arrêt est prononcé, n’ayant plus qu’une heure pour l’ap-