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dîner composé uniquement de pommes de terre, mais auxquelles l’art du cuisinier avait substitué la forme et la saveur des mets les plus exquis ; les liqueurs mêmes étaient fabriquées avec de l’eau-de-vie tirée de la racine.

Cette fois, le préjugé était vaincu : la pomme de terre, il faudrait dire la Parmentière, triomphant de toutes les résistances, se voyait partout accueillie avec empressement, fêtée, et ce qui valait mieux, cultivée. Elle servit puissamment à combattre la disette réelle ou factice dans les premiers temps de la Révolution. Et cependant, voyez ce qu’il en est des préjugés populaires ; comme dit le latin :


Uno avulso, non deficit alter.


Lors des élections qui eurent lieu quelques années après, certaines gens trouvèrent moyen de faire écarter le bienfaiteur du peuple qui leur était suspect : «  Un homme à la vérité que le Roi avait honoré de ses bontés, auquel il destinait le cordon de Saint-Michel, et dont il voulait, suivant l’expression même du bon Louis XVI, lire les ouvrages de préférence à tous ceux qui lui seraient offerts. » Les orateurs hostiles à Parmentier criaient à l’envi :

— Ne lui donnez pas vos voix, il ne nous ferait manger que des pommes de terre, c’est lui qui les a inventées.

Et Parmentier ne fut pas nommé.

On peut admirer que cet homme de bien, à cause de ses antécédents, privé de ses places et pensions, n’ait pas été, de plus, l’une des victimes de la Terreur ; mais