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Malgré ces obstacles, Oberkampf, comme nous l’avons dit, vint en France, et à force de démarches et de persévérance, il obtint en 1759 un édit qui autorisait la fabrication intérieure des toiles peintes. C’était quelque chose que cette autorisation, mais ce n’était pas tout, et possesseur du bienheureux diplôme, Oberkampf ne se dissimulait pas que, pour le mettre utilement à profit, ses ressources étaient plus que modestes ; son capital, en effet, ne s’élevait pas à plus de 600 livres. Aussi, plus par nécessité que par choix, résolu à ne pas différer l’exécution de ses projets, il vint installer sa fabrique dans une chaumière de la vallée de Jouy, près Versailles ; et Jouy, pauvre village alors, comptait à peine quelques habitants. Borné, comme nous l’avons dit, dans ses ressources, mais soutenu par un inébranlable vouloir, le jeune Oberkampf, pour réunir tous les éléments nécessaires de sa fabrique, se fit ouvrier, construisant lui-même ses métiers ; il fut tout à la fois dessinateur, graveur, imprimeur, et enfin le succès commençait à récompenser ses efforts, lorsqu’il se vit en butte à de nouvelles oppositions, dictées par la routine, disent les écrivains modernes, mais qui pour nous, maintenant éclairés par l’expérience, n’étaient point autant dénuées de sagesse et de prévoyance que le prétendaient les économistes, défenseurs zélés d’Oberkampf, qu’ils proclamaient le bienfaiteur de notre patrie, « car, disait-on, sa manufacture allant toujours grandissant, ses opérations ne cessent de s’étendre ; un marais infranchissable a été desséché, la contrée entière assainie, et l’on peut compter quinze cents âmes où l’on ne voyait que quelques familles éparses. »