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— Eh bien, Monge, je compte sur vous pour nous épargner ce malheur.

— Je vais à mon poste, répond tranquillement le savant qui disparaît par les écoutilles.

Cependant les vaisseaux entrevus de loin approchent ; on reconnaît, non sans une grande satisfaction, qu’ils sont neutres et que d’eux on n’a rien à craindre. Aussitôt on cherche Monge qu’on trouve une mèche à la main dans la soute aux poudres, attendant l’ordre suprême. Quelques semaines après, la flottille entrait heureusement dans le port de Fréjus.

Monge, à peine de retour, reprit ses grands travaux scientifiques. « Il faisait constamment, dit Pongerville, succéder aux leçons de géométrie, d’analyse, de physique et de calcul, des entretiens particuliers qui le rendirent l’ami des jeunes savants qu’il dirigeait. » Cette même année, parut la deuxième édition de la Géométrie descriptive, l’un de ses plus importants ouvrages.

Bonaparte, devenu premier consul, puis empereur, ne perdait pas de vue celui qu’il avait nommé plus d’une fois son ami et dont il connaissait le désintéressement, car Monge ne demandait jamais rien pour lui-même. Dans une soirée aux Tuileries, l’Empereur aperçoit Monge à l’extrémité du salon ; il l’appelle, et d’une voix qui fut entendue de tous, il lui dit :

« Monge, vous n’avez donc pas de neveux, vous, que vous ne me demandez jamais rien ?

— Aujourd’hui, Sire, précisément je songeais à vous demander quelque chose, une somme d’argent et un peu ronde, pas pour moi à la vérité.

— Pour qui donc alors ?