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Le général avait d’abord froncé le sourcil en entendant ce rude langage, mais après quelques moments de réflexions, prenant la main de Monge, il lui dit : « Vous êtes vraiment mon ami, je vous remercie. » Et il ne fut plus question du mémoire.

Monge accompagnait Bonaparte dans la visite qu’il fit à Suez pour retrouver les vestiges du canal qui dans l’antiquité joignait le Nil à la mer Rouge. On marchait depuis assez longtemps dans les sables, lorsque tout à coup les chevaux s’enfoncèrent jusqu’à mi-jambes :

« Monge, s’écria le général, nous sommes en plein canal. »

Ce qui fut reconnu comme parfaitement exact par les ingénieurs.

Lorsque au mois d’août 1799, Bonaparte, par suite des nouvelles venues de France, eut résolu de quitter l’Égypte, Monge et Berthollet montèrent avec les principaux officiers sur la frégate le Muiron que suivait la corvette le Carrère. Après un jour ou deux de navigation, la flottille, ayant perdu la côte de vue, cinglait à pleines voiles, lorsque tout à coup à l’horizon apparaissent des vaisseaux qui semblent suspects.

« Si nous devions tomber au pouvoir des Anglais, dit Bonaparte, quel parti faudrait-il prendre ? Nous résigner à la captivité sur des pontons, c’est impossible.

Voyant que tous gardaient le silence, le général continua :

« C’est impossible ! plutôt nous faire sauter.

— Assurément, reprit Monge, la mort vaut mieux qu’une déshonorante captivité.