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Le dévouement de Monge était d’autant plus méritoire qu’il était absolument désintéressé, ses fonctions comme délégué du Comité du salut public auprès des manufactures n’étant point rétribuées. Pourtant elles lui prenaient tout son temps et Monge n’ayant aucune fortune se trouvait souvent dans une véritable gêne. Voici à ce sujet une anecdote racontée par Mme Monge, et insérée par Arago dans l’Éloge de son confrère :

« Il arrivait souvent (je copie textuellement ces mots dans une note de la respectable compagne de notre confrère) il arrivait souvent qu’après ses inspections journalières, si longues et si fatigantes, dans les usines de la capitale, Monge, rentrant chez lui, ne trouvait pour dîner que du pain sec. C’est aussi avec du pain sec, qu’il emportait sous le bras en quittant sa demeure à quatre heures du matin, que Monge déjeunait tous les jours. Une fois, la famille du savant géomètre avait ajouté un morceau de fromage au pain quotidien. Monge s’en aperçut et s’écria avec quelque vivacité : « Vous allez, ma chère, me mettre une méchante affaire sur les bras ; ne vous ai-je donc pas raconté qu’ayant montré, la semaine dernière, un peu de gourmandise, j’entendis avec beaucoup de peine le représentant Niou dire mystérieusement à ceux qui l’entouraient : Monge commence à ne pas se gêner ; voyez, il mange des radis. »

On est heureux de pouvoir ajouter que, malgré ses rapports forcés avec certains hommes du Comité du salut public, Monge, ainsi que l’affirme Arago, eut une véritable aversion pour les hommes qui avaient demandé à la terreur, à l’échafaud, la force d’opinion dont ils