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votre justice et l’équité de ses juges en répondront à la postérité qui pèse dans la même balance les lois et leurs sujets ; mais, Sire, je ne puis me taire sur les dangers dont on environne Votre Majesté. Eh quoi ! le sang français n’a-t-il pas assez coulé ? Nos malheurs ne sont-ils pas assez grands ? L’avilissement de la France n’est-il pas à son dernier période ? Est-ce lorsqu’on a besoin de rétablir, de restaurer, d’adoucir et de calmer, qu’on nous propose, qu’on exige de nous des proscriptions ? Ah ! Sire, si ceux qui dirigent vos conseils ne voulaient que le bien de Votre Majesté, ils lui diraient que jamais l’échafaud ne fit des amis ; croient-ils que la mort soit si redoutable pour ceux qui la bravèrent si souvent ? C’est au passage de la Bérésina, Sire, c’est dans cette malheureuse catastrophe que Ney sauva les débris de l’armée. J’y avais des parents, des amis, des soldats enfin qui sont les amis de leurs chefs ; et j’enverrais à la mort celui à qui tant de Français doivent la vie, tant de familles leurs fils, leurs époux, leurs parents ? Non Sire, s’il ne m’est pas permis de sauver mon pays, ni ma propre existence, je sauverai du moins l’honneur ; et s’il me reste un regret, c’est d’avoir trop vécu, puisque je survis à la gloire de ma patrie.

» Quel est, je ne dis pas le maréchal, mais l’homme d’honneur qui ne sera pas forcé de regretter de n’avoir pas trouvé la mort dans les champs de Waterloo ? Ah ! peut-être si le maréchal Ney avait fait là ce qu’il avait fait tant de fois ailleurs, peut-être ne serait-il pas traîné devant une commission militaire, peut-être ceux qui demandent aujourd’hui sa mort imploreraient sa protection.