Page:Bouniol - Les rues de Paris, 2.djvu/190

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

double emploi avec celle qu’elle touchait sur la cassette royale. C’était donc presque la fortune pour Élisa, d’autant plus que la nouvelle édition de ses poésies se vendait très-bien et que la critique, à Paris comme en province, se montrait des plus bienveillantes, empressée à retirer ses griffes devant la jeunesse, la grâce et la beauté.

Élisa n’avait plus, ce semble, qu’à jouir de son bonheur. Et pourtant, et pourtant… c’est à ce moment-là même, tant le cœur humain est insatiable, que prise de l’esprit de vertige… Mais laissons parler l’auteur des Mémoires : « Fanatisée par la publicité que les journaux donnaient aux suicides qui désolaient chaque jour quelques nouvelles familles… Élisa finit par trouver, tant l’idée de l’immortalité a de puissance sur une jeune imagination, que l’on n’était pas bien coupable de sacrifier quelques jours d’existence à l’avantage de faire vivre à jamais le nom qu’elle portait, et se promit, car la pauvre enfant était loin de croire que son talent put l’immortaliser jamais, de s’ôter la vie dès qu’elle verrait jour à pouvoir le faire sans que je pusse y mettre obstacle. »

En effet, une après-midi, profitant de l’absence de sa mère, la malheureuse jeune fille allumait le fatal réchaud, et sans le retour imprévu de Mme Mercœur, forcée par la pluie de rentrer au logis, c’en était fait de l’infortunée ; déjà l’asphyxie semblait complète et l’on eut grand peine à ramener Élisa à la vie. Mais avec celle-ci la raison revint. « Je ne puis dire tout ce qu’eut de déchirant la scène que mon désespoir et le repentir de ma fille provoquèrent à son réveil… Élisa, comprenant par sa triste expérience que qui s’expose au danger le