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mes regards ni ma pensée. Depuis lors mes yeux n’eurent plus de sommeil, j’aurais trop craint qu’en les fermant la mort ne profitât de cet instant pour m’enlever mon trésor. »

Mais cette afïection passionnée cependant n’était point aveugle et déraisonnable, comme celle de tant de mères aujourd’hui ; la raison, en dépit des entraînements du cœur, conservait tous ses droits ; Mme Mercœur savait élever sa fille et faire violence à sa tendresse même, si l’intérêt de l’enfant lui faisait un devoir de la fermeté. En voici la preuve :

Élisa avait trois ou quatre ans à peine, lorsqu’un jour, en dépit de son caractère droit et honnête, elle ne put résister à la tentation de garder une image de la sainte Vierge qu’une petite compagne lui avait prêtée, ce qu’elle niait avec opiniâtreté. D’aventure, la mère d’Élisa retrouva l’image entre la robe et la chemise. « Tu as péché, dit-elle à l’enfant, tu as volé l’image, tu vas être fouettée ! quoique je me fusse bien promis de ne jamais te battre ; mais je sens qu’il y a nécessité aujourd’hui, car tu n’as pas seulement volé ; mais tu as ajouté le mensonge au vol, défaut qui conduit à tous les vices.

— Seriez-vous assez dure, dit la mère de Joséphine (la petite camarade), pour fouetter Élisa à propos de ce petit morceau de papier dont je ne donnerais pas un liard ?

— Ce n’est pas pour la valeur de l’objet, madame, mais pour l’action d’Élisa que je veux lui donner une leçon afin de n’être pas obligée plus tard à lui en donner deux.